- Cours (CM) 24h
- Cours intégrés (CI) -
- Travaux dirigés (TD) -
- Travaux pratiques (TP) -
- Travail étudiant (TE) 126h
Langue de l'enseignement : Français
Enseignement proposé en : en présence
Description du contenu de l'enseignement
Nietzsche et les sciences humaines
Dans un chapitre intitulé « Man and Men » de son grand commentaire sur Nietzsche, Richard Schacht écrit ceci : « Sur la carte des intérêts et préoccupations philosophiques de Nietzsche, le domaine d’investigation qui se trouve au centre est ce qu’on peut appeler l’anthropologie philosophique ; car c’est avant tout sur “l’homme” – sur la nature humaine, sur la vie humaine et sur les possibilités humaines – que son attention se concentre »[1]. Ce jugement de Richard Schacht porte bien sûr avant tout sur la problématique philosophique directrice de l’œuvre nietzschéenne. Mais à y mieux regarder, il peut aussi être étayé par un examen des lectures de Nietzsche. Car la critique des sources, en faisant l’inventaire de la bibliothèque personnelle du philosophe et de ses emprunts dans différentes bibliothèques, permet de montrer qu’il a été un lecteur assidu de textes philologiques, historiques, linguistiques, anthropologiques, sociologiques ou encore psychologiques du XIXe siècle : c’est-à-dire de toutes les principales sciences qu’on qualifiera par la suite de « sciences humaines », en les opposant aux sciences de la nature, notamment sous l’influence de l’Introduction aux sciences de l’esprit de Wilhelm Dilthey.
Ce séminaire analysera successivement trois contextes philosophiques dans lesquels Nietzsche a réfléchi en dialogue manifeste avec les sciences humaines de son temps. Un premier moment correspond à la première moitié de la décennie 1870, quand Nietzsche, jeune professeur de philologie classique à l’Université de Bâle, étudie l’histoire ancienne, les langues grecque et latine et la théorie du langage. Il développe à cette époque une philosophie critique de l’historiographie dans De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie (1874), tout en proposant une conceptio n rhétorique de l’origine du langage dans Vérité et mensonge au sens extra-moral (1873) et dans un cours intitulé Exposition de la rhétorique antique (professé entre 1872 et 1874, date incertaine). Un deuxième moment débute vers la deuxième moitié de la décennie 1870, lorsque Nietzsche découvre l’anthropologie culturelle britannique de John Lubbock et d’Edward Tylor : il en tire alors une interprétation de la préhistoire humaine et de ses survivances archaïques dans nos sociétés européennes modernes, ce qui transparaît surtout dans Humain, trop humain (1878) et Aurore (1881). Enfin, au cours de la décennie 1880, le Nietzsche de la maturité s’adonne à des lectures psychologiques diversifiées, ce qui lui permet d’abord d’élaborer sa propre psychologie de la volonté de puissance dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883‑1885) et Par-delà bien et mal (1886), puis de l’appliquer au problème de l’émergence de la morale judéo‑chrétienne dans la Généalogie de la morale (1887). En évoquant ces trois contextes de dialogue avec les sciences humaines, on posera à leur sujet le problème du sens et des limites du « naturalisme » nietzschéen. [1] Schacht 1983, p. 267, trad. ES.
Ou
Séminaire d’une autre discipline
Dans un chapitre intitulé « Man and Men » de son grand commentaire sur Nietzsche, Richard Schacht écrit ceci : « Sur la carte des intérêts et préoccupations philosophiques de Nietzsche, le domaine d’investigation qui se trouve au centre est ce qu’on peut appeler l’anthropologie philosophique ; car c’est avant tout sur “l’homme” – sur la nature humaine, sur la vie humaine et sur les possibilités humaines – que son attention se concentre »[1]. Ce jugement de Richard Schacht porte bien sûr avant tout sur la problématique philosophique directrice de l’œuvre nietzschéenne. Mais à y mieux regarder, il peut aussi être étayé par un examen des lectures de Nietzsche. Car la critique des sources, en faisant l’inventaire de la bibliothèque personnelle du philosophe et de ses emprunts dans différentes bibliothèques, permet de montrer qu’il a été un lecteur assidu de textes philologiques, historiques, linguistiques, anthropologiques, sociologiques ou encore psychologiques du XIXe siècle : c’est-à-dire de toutes les principales sciences qu’on qualifiera par la suite de « sciences humaines », en les opposant aux sciences de la nature, notamment sous l’influence de l’Introduction aux sciences de l’esprit de Wilhelm Dilthey.
Ce séminaire analysera successivement trois contextes philosophiques dans lesquels Nietzsche a réfléchi en dialogue manifeste avec les sciences humaines de son temps. Un premier moment correspond à la première moitié de la décennie 1870, quand Nietzsche, jeune professeur de philologie classique à l’Université de Bâle, étudie l’histoire ancienne, les langues grecque et latine et la théorie du langage. Il développe à cette époque une philosophie critique de l’historiographie dans De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie (1874), tout en proposant une conceptio n rhétorique de l’origine du langage dans Vérité et mensonge au sens extra-moral (1873) et dans un cours intitulé Exposition de la rhétorique antique (professé entre 1872 et 1874, date incertaine). Un deuxième moment débute vers la deuxième moitié de la décennie 1870, lorsque Nietzsche découvre l’anthropologie culturelle britannique de John Lubbock et d’Edward Tylor : il en tire alors une interprétation de la préhistoire humaine et de ses survivances archaïques dans nos sociétés européennes modernes, ce qui transparaît surtout dans Humain, trop humain (1878) et Aurore (1881). Enfin, au cours de la décennie 1880, le Nietzsche de la maturité s’adonne à des lectures psychologiques diversifiées, ce qui lui permet d’abord d’élaborer sa propre psychologie de la volonté de puissance dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883‑1885) et Par-delà bien et mal (1886), puis de l’appliquer au problème de l’émergence de la morale judéo‑chrétienne dans la Généalogie de la morale (1887). En évoquant ces trois contextes de dialogue avec les sciences humaines, on posera à leur sujet le problème du sens et des limites du « naturalisme » nietzschéen. [1] Schacht 1983, p. 267, trad. ES.
Ou
Séminaire d’une autre discipline
Bibliographie, lectures recommandées
Bibliographie
Nietzsche Friedrich, Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement [1872], trad. J.-L. Backès, in : La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1990.
Nietzsche Friedrich, Vérité et mensonge au sens extra-moral [1873], trad. M. Haar et M. de Launey, in : La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1990.
Nietzsche Friedrich, Rhétorique [1872-1874], trad. A. Merker, in : Écrits philologiques X, Paris, Les Belles Lettres, 2020.
Nietzsche Friedrich, Humain, trop humain I [1878], trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, coll. GF, 2019.
Nietzsche Friedrich, Aurore [1881], trad. É. Blondel, O. Hansen-Løve et Th. Leydenbach, Paris, Flammarion, coll. GF, 2012.
Nietzsche Friedrich, Par-delà bien et mal [1886], trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, coll. GF, 2000.
Nietzsche Friedrich, Éléments pour la généalogie de la morale [1887], trad. P. Wotling, Paris, Librairie Générale Française, coll. Livre de poche, 2000.
Crescenzi Luca, « Verzeichnis der von Nietzsche aus der Universitätsbibliothek in Basel entliehenen Bücher (1869-1879) », in : Nietzsche-Studien, Bd. 23, 1994, p. 388-442.
Gerber Gustav, Die Sprache als Kunst, Bromberg, Mittler’sche Buchhandlung, 1871, Bd. 1.
Lubbock John, The Origin of Civilisation and the Primitive Condition of Man, London, Longmans, Green & Co., 1870.
Ribot Théodule, La Psychologie anglaise contemporaine (école expérimentale), Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1870.
Ribot Théodule, La Psychologie allemande contemporaine (école expérimentale), Paris, Librairie Germer Baillière, 1879.
Sommer Andreas Urs, Kommentar zu Nietzsches Zur Genealogie der Moral, Berlin/Boston, de Gruyter, 2019.
Spencer Herbert, The Study of Sociology, London, Henry King & Co., 1873.
Tylor Edward, Primitive Culture: Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Religion, Language, Art, and Custom, London, John Murray, 1871, 2 vol.
Liebscher Martin, « Nietzsche und die Psychologie », in : Heit Helmut, Heller Lisa (Hrsg.), Handbuch Nietzsche und die Wissenschaften. Natur-, geistes- und sozialwissenschaftliche Kontexte, Berlin/Boston, de Gruyter, 2014, p. 362-378.
Piazzesi Chiara, « Nietzsche and Sociology », in : Heit Helmut, Heller Lisa (Hrsg.), Handbuch Nietzsche und die Wissenschaften. Natur-, geistes- und sozialwissenschaftliche Kontexte, Berlin/Boston, de Gruyter, 2014, p. 341-361.
Salanskis Emmanuel, « Nietzsche et “la grande préhistoire de l’humanité” : l’anthropologie d’Aurore comme renversement de perspective », in : Denat Céline, Wotling Patrick (dir.), Aurore, tournant dans l’œuvre de Nietzsche ?, Reims, Éditions et presses universitaires de Reims, 2015, p. 135-161.
Salanskis Emmanuel, « The Realm of Human Breeding. Nietzsche’s Reception of Francis Galton’s Inquiries into Human Faculty and its Development », in : Anschütz Hans-Peter, Müller Armin Thomas, Rottman Mike, Souladié Yannick (Hrsg.), Berlin/Boston, de Gruyter, 2021, p. 287‑300.
Salanskis Emmanuel, Pourquoi une Généalogie de la morale ? Le projet de Nietzsche, ses sources et son horizon, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023.
Schacht Richard, Nietzsche, New York, Routledge, 1983.
Wotling Patrick, « Oui, l’homme fut un essai ». La philosophie de l’avenir selon Nietzsche, Paris, PUF, 2016.
- Œuvres de Nietzsche :
Nietzsche Friedrich, Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement [1872], trad. J.-L. Backès, in : La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1990.
Nietzsche Friedrich, Vérité et mensonge au sens extra-moral [1873], trad. M. Haar et M. de Launey, in : La Philosophie à l’époque tragique des Grecs, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1990.
Nietzsche Friedrich, Rhétorique [1872-1874], trad. A. Merker, in : Écrits philologiques X, Paris, Les Belles Lettres, 2020.
Nietzsche Friedrich, Humain, trop humain I [1878], trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, coll. GF, 2019.
Nietzsche Friedrich, Aurore [1881], trad. É. Blondel, O. Hansen-Løve et Th. Leydenbach, Paris, Flammarion, coll. GF, 2012.
Nietzsche Friedrich, Par-delà bien et mal [1886], trad. P. Wotling, Paris, Flammarion, coll. GF, 2000.
Nietzsche Friedrich, Éléments pour la généalogie de la morale [1887], trad. P. Wotling, Paris, Librairie Générale Française, coll. Livre de poche, 2000.
- Critique des sources de Nietzsche :
Crescenzi Luca, « Verzeichnis der von Nietzsche aus der Universitätsbibliothek in Basel entliehenen Bücher (1869-1879) », in : Nietzsche-Studien, Bd. 23, 1994, p. 388-442.
Gerber Gustav, Die Sprache als Kunst, Bromberg, Mittler’sche Buchhandlung, 1871, Bd. 1.
Lubbock John, The Origin of Civilisation and the Primitive Condition of Man, London, Longmans, Green & Co., 1870.
Ribot Théodule, La Psychologie anglaise contemporaine (école expérimentale), Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1870.
Ribot Théodule, La Psychologie allemande contemporaine (école expérimentale), Paris, Librairie Germer Baillière, 1879.
Sommer Andreas Urs, Kommentar zu Nietzsches Zur Genealogie der Moral, Berlin/Boston, de Gruyter, 2019.
Spencer Herbert, The Study of Sociology, London, Henry King & Co., 1873.
Tylor Edward, Primitive Culture: Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Religion, Language, Art, and Custom, London, John Murray, 1871, 2 vol.
- Études sur le dialogue de Nietzsche avec les sciences humaines :
Liebscher Martin, « Nietzsche und die Psychologie », in : Heit Helmut, Heller Lisa (Hrsg.), Handbuch Nietzsche und die Wissenschaften. Natur-, geistes- und sozialwissenschaftliche Kontexte, Berlin/Boston, de Gruyter, 2014, p. 362-378.
Piazzesi Chiara, « Nietzsche and Sociology », in : Heit Helmut, Heller Lisa (Hrsg.), Handbuch Nietzsche und die Wissenschaften. Natur-, geistes- und sozialwissenschaftliche Kontexte, Berlin/Boston, de Gruyter, 2014, p. 341-361.
Salanskis Emmanuel, « Nietzsche et “la grande préhistoire de l’humanité” : l’anthropologie d’Aurore comme renversement de perspective », in : Denat Céline, Wotling Patrick (dir.), Aurore, tournant dans l’œuvre de Nietzsche ?, Reims, Éditions et presses universitaires de Reims, 2015, p. 135-161.
Salanskis Emmanuel, « The Realm of Human Breeding. Nietzsche’s Reception of Francis Galton’s Inquiries into Human Faculty and its Development », in : Anschütz Hans-Peter, Müller Armin Thomas, Rottman Mike, Souladié Yannick (Hrsg.), Berlin/Boston, de Gruyter, 2021, p. 287‑300.
- Commentaires de la philosophie de Nietzsche :
Salanskis Emmanuel, Pourquoi une Généalogie de la morale ? Le projet de Nietzsche, ses sources et son horizon, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023.
Schacht Richard, Nietzsche, New York, Routledge, 1983.
Wotling Patrick, « Oui, l’homme fut un essai ». La philosophie de l’avenir selon Nietzsche, Paris, PUF, 2016.
Contact
Responsable
Emmanuel Salanskis
Intervenants
Emmanuel Salanskis