La théologie politique

Carl Schmitt soutient une thèse qui pose la modernité comme un paradoxe, qu’il nomme sécularisation : la disparition, revendiquée comme une libération, de la référence à une origine divine du pouvoir peut être interprétée comme un transfert du théologique au politique, de telle sorte que le théologique est tout à la fois refoulé et actualisé. « Théologique » renvoie alors à l’essence de Dieu comme exception et comme souveraineté, fondement ultime de toute autorité politique selon les Modernes (Hobbes, Rousseau).
On se demandera d’abord si ce paradoxe est éclairant pour comprendre la situation politique du présent, ou s’il est au contraire invalidé le capitalisme mondialisé, qui rejette aussi bien le christianisme que la souveraineté (populaire, nationale, étatique). On se demandera ensuite si le concept de théologie qui est au fondement de la « théologie politique » conservatrice de Schmitt est tenable, et si une autre théologie, et donc une autre eschatologie, cette fois messianiques, ne conduisent pas à une autre théologie politique, dans laquelle le christianisme ne serait pas un fondement, mais une subversion de la puissance politique.
 

Indications bibliographiques :
Carl Schmitt, Théologie politique, tr. Jean-Louis Schlegel, Paris, Gallimard, 1988.
Carl Schmitt, Le nomos de la terre, tr. L. Deroche-Gurcel, revue par P. Haggenmacher, PUF, coll. Quadrige, 2008.
Erik Peterson, Le monothéisme: un problème politique et autres traités, tr. A.-S. Astrup, Paris, Bayard, 2005.
Ernst Bloch, Le Principe Espérance, I, II, III, Paris, Gallimard, 1976, 1982, 1991.
Johann Baptist Metz, Pour une théologie du monde, Éditions du Cerf, 1971.
Jürgen Moltmann, L’espérance en action, Paris, Seuil, 1973.
Jürgen Moltmann, Le Dieu crucifié, Paris, Cerf, 2012.
Jacob Taubes, La théologie politique de saint Paul, Paris, Seuil, 1999.
Giorgio Agamben, Homo sacer, Paris, Seuil, 1997.
Giorgio Agamben, Le temps qui reste, Paris, Payot-Rivages, 2004.
Giorgio Agamben, Le Règne et la Gloire, Paris, Seuil, 2008.